La saison de la cueillette débute tout juste dans la région d’Arthabaska. C’est assurément la plus grande partie de notre travail de production de cidre, de par l’intérêt qu’on porte à la matière première : la pomme sauvage. Les particularités gustatives inconnues de ces fruits nous motivent à poursuivre notre quête. Après tout, ces pommiers sont l’extension de ce que notre coin de pays veut bien offrir. Un terroir aux contreforts des Appalaches duquel il reste tant à connaître.
Fin septembre est toujours un moment assez unique pour l’équipe. La saison commence avec une première visite des champs avoisinants, pour voir comment se portent les pommiers déjà répertoriés et les petits nouveaux identifiés la saison passée. Avec notre google map ‘’pin location’’ imprécis, on les retrouve pour évaluer leur état et le potentiel de leurs fruits. D’un point de vue qualitatif, ça nous permet d’identifier des pommes acides, amères et sucrées, des variétés qui ont de la personnalité. L’acidité des pommes sauvages de début de saison est à ne pas négliger, deux options : recracher comme tu le fais à ton wine fair préféré ou traîner des toms pour la fin de journée.
Les pommiers qu’on déniche se retrouvent un peu partout : champs, forêts, arrière-cours de maisons de campagne. Au-delà des qualités gustatives qu’on leur trouve, ces pommes sauvages ont une histoire qui nous a toujours intrigués. «La pomme : le fruit de l’Amérique», on ne se leurre pas, c’est aussi le fruit de la colonisation. On espère humblement contribuer au dépassement d’une vision trop souvent limitée de son histoire qui la présente comme un fruit indigène. Originaires d’Asie, introduites d’Europe et maintenant issues de croisements entre maintes variétés, on cherche à identifier ces pommes sauvages pour se rappeler d’où elles viennent et surtout, pour pouvoir continuer à les goûter.
Notre quête de pommiers sauvages nous amène à tisser des liens avec les occupants des terres où ils se trouvent. On réussit souvent à développer de belles relations qui nous permettent d’aller cueillir les pommes oubliées auxquelles ces propriétaires ont accès. Il faut dire que le troc est d’une aide immense. Dans la région d’Arthabaska, ces pommes sont souvent considérées comme ayant pour seule utilité d’être offertes aux chevreuils en temps de chasse. Bref, si un chasseur fait partie de l’entourage de ces propriétaires, il faut parfois lâcher le morceau, le cœur gros, malgré la qualité des fruits de leurs pommiers!
On surveille ensuite pendant plusieurs semaines les pommiers afin de cueillir les pommes à maturité parfaite, c’est-à-dire bien souvent, lorsqu’elles se retrouvent au sol. Fort possible qu’on mobilise cueilleurs et équipements, et qu’on rebrousse chemin parce que l’arbre nous dit que ce n’est simplement pas encore le bon moment. À ratisser les rangs, on garnit donc graduellement notre bottin des meilleures adresses de pommiers sauvages de la région. Ce travail en amont de la transformation fait, pour nous, toute la différence. Cueillette dans la brousse, rencontres fortuites, trouvailles inattendues, semble-t-il qu’on ne récolte pas juste le fruit de ce qu’on sème.